• Que se passe-t-il avec la loi ? - Point sur la "PPL Billon"

    Le 15 mars, une proposition de loi a été examinée en première lecture à l'Assemblée Nationale (AN). Elle propose des changements législatifs concernant des lois sur les violences sexuelles (sur mineur·e·s majoritairement). Les débats à l'Assemblée, c'est toujours assez obscur, donc voici un post pour détricoter un peu ce qu'il s'y est passé. Pour le réaliser, je m'appuie sur les textes disponibles sur le site de l'AN (PPL, amendements... ) et l'enregistrement de l'audience. Si vous repérez une erreur, n'hésitez pas à la signaler en commentaire ! Cette publication n'est pas exhaustive : tout ce qui a été discuté sans être voté n'y figure pas. (Je n'y ai pas non plus inclus quelques éléments que je n'avais pas complètement compris.

    Attention lors de la lecture, j'utilise ici les termes employés par la loi, y compris pour mentionner des actes précis"

    "Deux définitions préalables."

    Une proposition de loi (ou PPL) : un texte écrit par des parlementaires. Il est susceptible d'être discuté et voté par le Parlement. Il est souvent associé au nom de lae député·e qui en est à l'origine afin d'identifier plus facilement le texte dont il est question. Les député·e·s peuvent déposer des amendements sur les PPL, c'est-à-dire des modifications d'articles, qui sont eux aussi discutés et votés.

    La "navette parlementaire" : c'est le mode de fonctionnement du Parlement. Il y a deux "chambres" en France (l'Assemblée Nationale et le Sénat). Les textes de lois y sont examinés tour à tour par chacune des chambres, ils y sont modifiés au fur et à mesure, jusqu'à, en gros, que les deux chambres tombent d'accord. Si ce n'est pas le cas, il y a d'abord  une commission mixte (avec des député·e·s et des sénateur·ices), puis c'est l'Assemblée qui a le pouvoir de trancher.

    Quelques éléments sur la proposition de loi qui a été examinée hier.

    Ce qui a été examiné hier, c'est une proposition de loi déposée par la sénatrice Annick Billon. Elle appartient à l'UDI, un parti de centre droit. Ce n'est pas la seule PPL élaborée sur le sujet dans les derniers mois. Il en existe deux autres, l'une émane de la députée Isabelle Santiago (Parti Socialiste) et la deuxième de la députée Alexandra Louis (LREM).

    De plus, la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles (ou CIIVS) a été créée en parallèle et réfléchira à d'autres évolutions législatives.

    Il s'agit d'une première lecture, il y aura donc d'autres modifications plus tard. Par ailleurs, je suis ravie de vous annoncer que l'Assemblée était presque vide. (/s) Environ 70 député·e·s étaient présent·e·s... (Il y a près de 600 député·e·s élu·e·s.)

    Le vote des différents articles et amendements a été précédé par l'intervention d'Eric Dupond-Moretti (Garde des Sceaux) et d'Adrien Taquet (secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles)."

    Qu'est-ce qui a été voté ?

    Des modifications de définitions de certaines infractions

    - Une modification de la définition du viol, qui inclut désormais les "actes buccaux-génitaux".

    - La loi précise qu'il y a aussi viol si la victime est contrainte de pratiquer elle-même  une pénétration ou un "acte bucco-génital" (il y avait un flou juridique jusque là). - Suppression du délit d'atteinte sexuelle. - La loi considère qu'il y a exhibition sexuelle si un acte sexuel est commis devant un tiers sans son accord, même si aucune partie du corps n'était visible. Des modifications de peines. (ce paragraphe est potentiellement incomplet, j'ai eu du mal à tout comprendre)

    - Augmentation des peines encourues par les clients de "prostitution infantile". Le fait pour un·e majeur·e d'avoir une relation tarifée avec un·e mineur·e est considéré comme un viol et puni de 20 de réclusion criminelle et de 150 000€ d'amende.

      - Toute personne condamnée pour une infraction commise sur un·e mineur·e de moins de 15 ans est inscrite sur le FIJAIS (fichier qui recense les condamné-e-s pour délits/crimes sexuels).

    Des exceptions peuvent être prononcées lorsque la peine prononcée est inférieure à 5 ans d'emprisonnement.

    La création d'un seuil d'âge de non-consentement.

    - L'instauration d'un seuil d'âge de non-consentement. Cela signifie qu'on ne s'interrogera pas sur la présence de violence, menace, contrainte ou surprise pour des violences sexuelles subies par des enfants de moins de 15 ans (moins de 18 ans en cas d'inceste) lorsqu'elles ont été infligées par des majeur·e·s.

    - Cependant, ce seuil de non-consentement  ne s'applique pas s'il y a un écart d'âge entre la victime et l'agresseur·euse inférieur à cinq ans. (victime de 13-14 ans, agressée par une personne de 18-19 ans)

    - L'écart d'âge minimum de cinq ans ne s'applique pas si la relation sexuelle a eu lieu contre rémunération.

    Modification de la définition de l'inceste.

    - Le crime d'inceste ne s'applique que si "le majeur exerce une autorité de droit ou de fait sur le mineur". Cela comprend donc sans peine les parents et les grand-parents, mais cela signifie que s'il s'agit d'un adelphe, d'un oncle, d'une tante (sans responsabilité légale vis-à-vis de la victime)... la victime devra prouver qu'il y avait autorité de fait. Cela revient finalement à prouver qu'il n'y avait pas consentement."

      - L'inceste constitue une infraction autonome. (Avant, il était une "sur-qualification", un mot qu'on ajoutait en plus dans le verdict, mais qui n'entraînait pas de conséquences spécifiques.)

    - Les grand-oncles et grand-tantes sont nouvellement inclus dans les potentiel·les auteur·ices d'inceste. (Ce n'est toujours pas le cas pour les cousin·e·s, ni pour les adelphes par alliance, ni pour les parent·e·s de familles d'accueil.)

    Modification de l'application de la prescription.

    - Instauration de la "prescription glissante" pour les violences sexuelles sur mineur-e-s. (= si une personne qui avait déjà commis des violences sexuelles sur un·e mineur·e recommence, alors elle peut être poursuivie pour l'ensemble des actes  qu'elle a commis, même si certains d'entre eux étaient prescrits.)

    De nouvelles infractions concernant les communications numériques.

    - Création d'une nouvelle infraction (punie de 7 ans de prison et 100 000€ d'amende) : interdiction pour un·e majeur·e de solliciter d'un·e mineur·e de moins de 15 ans des images/vidéos/représentations "pornographiques" d'ellui. (Enregistrer ou transmettre ce type de représentations était déjà puni par la loi auparavant.)

    - Deuxième infraction créée (10 ans de prison et 150 000€ d'amende) : fait pour un·e majeur·e d'inciter un·e mineur·e, par le biais de communications numériques à commettre un acte sexuel (sur la victime elle-même, le plus souvent)."


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